Concepts
Big Tech, Big Pharma, Big Oil, Big Bank... Termes communément utilisés dans les médias, le dernier en date, Big Tech, est apparu initialement dans la presse américaine des années 2010. Rarement défini dans la littérature académique, il est utilisé dans le livre Géopolitique du numérique : l'impérialisme à pas de géants (2023, 2025) comme dérivé de l’histoire longue des big companies, appelation désignant les grandes firmes industrielles et financières qui, à partir du XXᵉ siècle, ont structuré l’économie mondiale. Par analogie, le terme Big Tech désigne le groupe d’entreprises technologiques dont la taille, les ressources et la capacité d’influence leur confèrent un pouvoir systémique sur les marchés, les normes et les politiques publiques.
Chaîne de dépendance Ensemble de relations hiérarchisées liant un acteur périphérique à un centre producteur de technologie, chaque maillon constituant un niveau supplémentaire de subordination économique, normative ou technique. Cette chaîne se matérialise aussi bien dans les infrastructures que dans les standards, les brevets ou les dispositifs de contrôle logistique.
Consommateur d’interfaces Désigne l’utilisateur réduit à interagir uniquement avec la surface visible de l’outil numérique. Ce terme traduit le processus d’invisibilisation des architectures techniques sous-jacentes et la mise à distance volontaire des couches de conception, de stockage et de circulation de la donnée.
État autophage Forme d’État engagé dans un processus d’auto-destitution de ses prérogatives régaliennes. Ce processus se manifeste par la délégation de fonctions publiques à des acteurs privés et par l’acceptation d’une mise en marché progressive des biens collectifs, nourrissant un mouvement de désintégration interne.
Expansion technologique Processus d’extension spatiale, économique et sociale des technologies, par lequel celles-ci se diffusent au-delà de leur lieu d’invention. Cette expansion implique la circulation de capitaux, de savoirs et d’infrastructures, et s’appuie souvent sur des logiques géopolitiques ou impériales.
Instrumentalisation de l’interdépendance Stratégie consistant à exploiter une relation de dépendance mutuelle entre États ou acteurs économiques afin d’obtenir un avantage politique, commercial ou sécuritaire. L’interdépendance cesse alors d’être un facteur d’équilibre pour devenir un levier de contrainte.
Maîtrise technologique Capacité d’un acteur collectif – État, entreprise, organisation – à développer, adapter et contrôler une technologie donnée, mais aussi à orienter ses usages et à en tirer des bénéfices stratégiques. Cette maîtrise inclut le contrôle des ressources matérielles, des savoirs et des réseaux nécessaires à son appropriation.
Passeur de technologie Facilitateur local de l’implantation technologique. Ce rôle comprend l’adaptation de la technologie aux usages, la médiation culturelle et technique auprès des utilisateurs finaux, ainsi que la prise en charge du « dernier kilomètre » de l’expansion technologique.
Puissance nodale Pouvoir reposant sur le contrôle de points stratégiques de la chaîne de dépendance : câbles, centres de données, briques logicielles clés, machines lithographiques, navires câbliers, etc. Dans le domaine numérique, cette puissance s’incarne comme un levier de pouvoir territorial : les centres de données, nœuds de connectivité et raccordements énergétiques deviennent des ancrages matériels de la dépendance.
Puissance structurelle Capacité à organiser et transformer les environnements techniques, économiques, politiques et sociaux dans lesquels une entreprise évolue. Elle se mesure par les moyens mis en œuvre pour imposer des standards, influencer la régulation ou définir les règles du marché. Reposant sur la structure même de l’entreprise – dimension globale, rôle stratégique, position dominante – elle s’inscrit dans le temps long et confère un rôle d’architecte.
Territorialisation des infrastructures et des technologies Mouvement par lequel les dispositifs techniques s’ancrent dans un espace géographique déterminé, qu’il s’agisse d’un territoire national ou d’un voisinage régional. Cette territorialisation traduit à la fois un ancrage matériel et une volonté de contrôle politique ou économique de l’espace numérique.
Transformation numérique en tant que dispositif local d'un movement global Processus d’intégration des technologies numériques dans les pratiques organisationnelles, économiques et sociales d’un territoire donné. Ce processus s’inscrit dans une trajectoire plus vaste de mondialisation, où la numérisation devient un instrument idéologique et technique de diffusion d’un modèle global de gouvernance, de consommation et de production.