Schéma : territorialisation des services du modèle "cloud"

Le schéma propose une lecture « de bout en bout » du trajet d’une requête numérique, en montrant que son parcours dépend de la géographie effective des services, des réseaux, des centres de données mobilisés, ainsi que du modèle technologique favorisé (ici, le cloud computing).
La partie illustrée rappelle d’abord les couches techniques successives. À l’échelle inter-réseaux, les paquets suivent des itinéraires multiples, orientés par les protocoles de routage, le trafic et les points d’échange. Lorsque la destination se situe sur un autre continent ou dans une zone difficilement accessible par les terres, la traversée s’effectue la plupart du temps par câble sous-marins, encadré par deux stations d’atterrissement qui servent d’interface entre les segments terrestres et le segment océanique1.
Le scénario 1 décrit un service proposé par une plateforme de cloud, et qui a été régionalisé. (1) Un employé formule une demande – ici, un résumé d’un document PDF via Gemini Workspace – et la requête sort du réseau local par le fournisseur d’accès. (2) Elle circule sur l’internet public jusqu’au point de présence le plus pertinent, où l’opérateur de service est interconnecté avec le FAI. La requête bascule alors dans le réseau de protocole privé mondial de Google2. (3) Elle atteint un centre de données européen qui traite la demande3. (4) La réponse revient vers l’utilisateur, en reprenant un chemin inverse qui peut ne pas être strictement identique à l’aller. (5) À l’arrivée, le résultat s’affiche sur l’écran.
Même dans ce cas de service « régionalisé », le schéma attire l’attention sur des fonctions transversales qui nécessite dans tous les cas une connexion avec le cœur technologique non territorialisé. Les « opérations cloud » (coordination, métadonnées, télémétries, mises à jour, etc.) rappellent l’existence d’un plan d’administration et d’observabilité propre au cœur technologique, distinct du plan de données strictement nécessaire au traitement de la requête. La mise à jour des réseaux de diffusion (CDN) illustre aussi la manière dont des contenus et des paramètres peuvent être répliqués, mis en cache et servis depuis plusieurs zones afin d’optimiser l’accès à l’échelle mondiale, ce qui complique toute lecture purement territoriale de la localisation.
Le scénario 2 présente un service proposé par une plateforme de cloud, et qui n’a pas été régionalisé. (1) Un employé crée un certificat de sécurité via AWS. (2) Le message traverse de longues liaisons à l’intérieur de l’Europe jusqu’au littoral. (3) Il franchit ensuite l’océan par une liaison sous-marine vers les États-Unis. (4) Il entre dans les réseaux terrestres qui conduisent à l’infrastructure d’AWS. (5) Dans l’exemple, on suppose que le certificat est créé dans la zone us-east-1, à Ashburn4. (6) La confirmation retraverse l’Atlantique vers l’Europe. (7) L’interface utilisateur affiche ensuite la réussite de l’opération.
Ces deux scénarios mettent en avant une réalité de la logique de régionalisation d’un service, qui ne signifie pas qu’il est détaché et indépendant du reste de la plateforme. Les briques régionalisées restent prises dans une plateforme intégrée : elles dépendent d’un cœur technologique qui demeure centralisé.
La relation entre cœur et services périphériques s’exprime dans une géographie qui sert à préserver un centre de gravité technique avec des périphéries opérées localement, et un cœur qui conserve la capacité d’ordonner, de mesurer, d’autoriser et de reconfigurer.
La régionalisation du calcul ajoute une couche territoriale décisive : elle ne dissout pas le centre, elle déplace le poids du calcul vers des espaces périphériques. Ainsi, les charges intensives, énergivores et hydrovore parfois, se répercutent dans des zones d’accueil mises en concurrence, où l’on mobilise foncier, raccordements électriques, réseaux. Le territoire devient alors un lieu d’atterrissage du coût matériel, pendant que l’architecture, elle, reste extrêmement hiérarchisée et structurée par les intérêts et les standards du cœur technologique et des centres économiques.